La Radio Samigosse

ah ah ah - Cliché 2 : l'évasion

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Déconseillé aux âmes sensibles
Enfin, disons plutôt que j’ai commencé à détaler comme un lapin. Au bout de quinze secondes de course, je me rendais compte que je courais tout seul comme un parfait crétin, convaincu qu’elle me suivait étant donné que je l’entendais crier de plus en plus fort. Mais en réalité, elle avait dû avancer d’un mètre grand maximum, en appuyant comme une brute sur la petite manivelle de son fauteuil roulant électronique qui ne dépassait pas la vitesse d’un escargot apoplectique, ne l’empêchant pas d’hurler comme un viking en plein élan guerrier. Je revins sur mes pas, lui demandait d’arrêter de crier et de m’expliquer ce que c’était que ce délire.
-Normalement je peux faire du deux cents kilomètres par heure ! Ce sont les lapins tu m’entends ! Ils ont bousillé ma bécane !!
-Mais qu’est-ce que vous voulez faire ?!
-Hein ?! Ben me casser d’ici évidemment !
-Partir ? Vous voulez vous enfuir de l’asile Saint-Joseph ?
-Ouah. Mon vieux, quel vitesse de réflexion, réfléchis pas trop sinon dans deux minutes tu nous inventes l’eau tiède.
Partir. Depuis les dix ans que je vivais ici, je ne m’imaginais plus vivre ailleurs. Cette salle remplie de coussins, n’était-ce pas mon véritable chez moi ? Alors que je regardais mon interlocutrice, j’ai soudain aperçu mon reflet dans ses yeux. Je me suis revu arrivant ici tout innocent et ouvert à l’avenir, je me suis revu avec le directeur lorsque je lui sautais dans les bras, je me suis revu grandir avec les cheveux qui ont poussé jusqu’aux hanches, je me suis revu avec le directeur lorsque je lui sautais sur les genoux, je me suis revu regardant le soleil couchant à travers les barreaux de ma chambre, je me suis revu avec le directeur lorsque je lui sautais sur…
-Continue à me dévisager comme ça et je te crève les yeux avec les dents. Allez, cassos.
-Pourquoi ?
-Quoi « pourquoi » ? On se tire, oui ou…
-Pourquoi vouloir s’évader ? On n’est pas bien ici ? Pourrait-on trouver meilleur endroit niveau bouffe, confort et sécurité ?
Sur ce, je rentrais à nouveau dans ma cellule, et, afin de bien lui faire comprendre mon refus, je claquai la porte (ce qui échoua étant donné que la tête du directeur gênée, n’arrangeant pas son cas).
-Mais c’est pas vrai ! Tu vas pas me lâcher maintenant quand même !
Elle fit pivoter les roues de son fauteuil puis essaya de me rejoindre dans ma chambre, mais le corps bloquant, elle dut forcer un peu jusqu’à ce que les roues parviennent à passer sur le directeur dans un bruit de craquements d’os des plus festifs. Je m’étais assis au centre de la pièce, et la folle aux cheveux roux, après avoir posé l’extincteur, commença à me tourner autour en gesticulant avec une voix terrifiante.
-Écoute-moi bien Saturnin, parce que je ne le dirais pas deux fois ! Tu ne sembles pas avoir bien saisi pourquoi il faut se barrer, alors voilà l’explication. Nous sommes actuellement dans un gigantesque enclos à LAPINS ! Oui, à LAPINS ! Ils sont là, tous, partout, à chaque coin de couloir, ils vous regardent avec leurs grandes oreilles en glapissant ! Mais les lapins ne te veulent pas du bien, non, bien au contraire, ce sont des êtres maléfiques et malfaisants ! Le mal n’est pas dans le lapin, c’est le lapin qui est dans le mal ! En apparence, le lapin est calme, gentil, innocent… mais en réalité, c’est un ignoble MONSTRE avec de gigantesques CROCS qui envahit la planète petit à petit, versant l’humanité toute entière dans la haine, le mépris et l’impuissance, dans d’impitoyables bains de sangs et de souffrance, des milliers de femmes et d’enfants étant sacrifiés chaque minute afin de concrétiser leur plan diabolique : faire de la Terre un gigantesque champ de carottes !!!
Je suis difficilement impressionnable, mais là elle avait frappé très fort. Qui aurait pu penser que là était la véritable nature des lagomorphes ? Elle ramassa l’extincteur, puis je partis sauver l’humanité toute entière en poussant son fauteuil roulant dans le couloir après avoir jeté un dernier regard mélancolique au directeur sur lequel je dus faire passer une nouvelle fois la chaise.

-Saleté d’enfoiré d’ascenseur !
Oui, il fallait une carte magnétique pour l’ouvrir. Mais Najine (nous nous étions demandé nos noms) comptait l’ouvrir à coup d’extincteur. Après plusieurs coups, il se passa enfin quelque chose. Une sonnerie stridente résonna dans tout le couloir, mais la porte ne s’ouvrit pas pour autant.
-Bon, on passe par l’escalier, pousse ma bécane, vite !
-Mais on va pas se péter la tronche ? demandai-je surtout inquiet pour elle.
-Tu montras aussi dans le fauteuil et ça ira !
Réponse qui eut le privilège de me permettre de m’inquiéter aussi pour moi. Je poussai la porte qui menait à la cage d’escaliers, poussai rapidement le fauteuil roulant jusqu’à me demander comment j’allais monter dedans, sautai en avant au dernier moment et, tenant ses jambes pendant qu’elle tenait les miennes, je vis la mort depuis les premières loges. Le fauteuil dégringola dans tous les sens pendant que Najine se tenait à la rampe pour nous amorcer les virages, le tout dans un boucan digne des os du directeur accompagné de nos hurlements saccadés. Une fois arrivés au rez-de-chaussée, elle laissa le fauteuil filer tout droit vers la porte de sortie que je me mangeai tête la première avant de la relever pour apercevoir tout un tas de médecins dans le couloir qui :
1 – s’attendait à nous voir arriver et à nous attraper
2 – ne s’attendait pas à nous voir arriver ni dans cette allure ni à cette vitesse
Le fauteuil roulant dégomma donc tous les médecins qui étaient sur notre passage pendant que Najine hurlait comme une furie en les frappant quand elle y arrivait avec son extincteur. Et il faut croire qu’elle avait visiblement tout prévu, étant donné que nous foncions droit vers les portes automatiques (qui ne s’ouvrirent hélas pas à temps pour nous accueillir dans un terrible fracas de verre). Nous arrivâmes ainsi dans la cour du bâtiment où plusieurs aliénés jouaient paisiblement. Hélas, cet endroit était si grand que nous perdîmes de la vitesse et nous arrêtâmes avant d’avoir pu atteindre la porte de sortie (qui était visiblement fermée de toute manière). Je fis une jolie galipette et me ramassai sur le gravier.
-Allez relève-toi vite, il faut qu’on se taille !
-Pourquoi ?
-Hein ? Parce que c’est comme ça, grouille !
Je ne dis plus un mot. J’avais le regard fixé sur ma petite fenêtre du cinquième étage que je voyais pour la première fois d’en bas.
-Bouge ton cul ou je t’asperge de mousse ! rouspéta-t-elle de nouveau.
Je repris conscience et secoua la tête et mes cheveux plein de graviers.
-Pour aller où ?
-Vers la sortie crétin !
-Elle n’est pas fermée ?
-Probablement, mais il faut jouer le tout pour le tout, allez yah !
-Et si elle est fermée ?
-Mais arrête enfin avec tes questions ! Tu sais faire autre chose qu’en poser ?
-Impossible mademoiselle, c’est un questionneur.
Je regardais devant moi. Un type en costard-cravate avec des Ray-Ban et une Rolex se tenait droit comme un piquet devant nous.
-FBI. Vous ne sortirez pas d’ici vivants.
À suivre.

2 commentaires:

  1. En fait, c'est un défouloir quoi ^^'
    Sympathique, j'ai moins accroché que la première partie, qui était, pour le coup Top !

    Je m'attendais pas à une suite surement, un truc du genre :)

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  2. ben moi c le contraire, même si j'ai senti le défouloir aussi, j'm bcp la 2è partie. Je ne savais pas que tu repartais dans ce "trip". Ceci dit, qq morceaux savoureux !
    FF

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